Les Rendez-vous de Philopop - La retraite, pour quelle vieillesse ?

12 mars 2023 à 18h00 - 943 vues
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Les Rendez-vous de PHILOPOP- émission du 12 mars 2023

La retraite, pour quelle vieillesse ?

Réflexion à partir de la lecture du livre de Simone de Beauvoir publié en 1970 « La vieillesse » (collection Folio)

La retraite n'est pas seulement un problème économique et social. Elle met en jeu l'idée que nous avons de la vieillesse et de notre existence. Si la condition des vieillards a changé depuis 1970 (l'âge de départ à la retraite était alors de 65 ans, et le niveau des pensions était très faible), la vieillesse est toujours considérée principalement en termes de soins, de dépenses et de coût. Elle souffre d'une image négative.

1- Pourquoi la vieillesse apparaît-elle surtout comme une déchéance ? Le déclin biologique auquel elle correspond suffit-il à expliquer le regard dépréciatif porté sur elle ?

  • Si le spectre de la vieillesse a reculé depuis 1970 (il concerne avant tout ce qu'on appelle aujourd'hui le « 4ème âge »), il n'a pas pour autant disparu.

  • La vieillesse est toujours l'objet d'une « conspiration du silence » (selon la formule de S. de Beauvoir). C'est un sujet « triste » qu'on préfère éviter.

  • Les raisons pour lesquelles S. de Beauvoir a écrit son livre sont toujours actuelles. Ainsi dénonce-t-elle l'ostracisme qui frappe les vieillards (ils sont traités en « parias »). Et « nous poussons si loin l'ostracisme que nous allons jusqu'à le tourner contre nous-même : nous refusons de nous reconnaître dans le vieillard que nous serons » (Introduction).

2- La vieillesse comme « situation humaine ». Que signifie « être vieux » ?

a- La vieillesse n'est pas seulement un fait biologique, c'est aussi un fait culturel : il est impossible de penser le vieillissement sans prendre en considération la société dans laquelle il se produit.

  • Les données objectives de la biologie et de la médecine (chapitre 1), de l'ethnologie (chapitre 2), de l'histoire (chapitre 3), de la sociologie (chapitre 4).

  • Comme « situation humaine », la vieillesse a un double dimension : objective (à ce titre, elle est objet de savoir) et subjective (c'est une expérience vécue qui peut faire l'objet d'une description phénoménologique)

b- Comprendre de quelle manière le vieillard intériorise l'image de la vieillesse que la société lui renvoie (chapitres 5 et 6) : voir ainsi la découverte de la vieillesse à partir du regard d'autrui.

« La complexe vérité de la vieillesse : elle est un rapport dialectique entre mon être pour autrui, tel qu'il se définit objectivement, et la conscience que je prends de moi-même à travers lui. En moi, c'est l'autre qui est âgé, c'est à dire celui que je suis pour les autres : et cet autre, c'est moi » (p-400) (…) « Ce que nous sommes pour autrui, il nous est impossible de le vivre sur le mode du pour soi » (p-410).

Ainsi, en intériorisant le regard dévalorisant des autres, le vieillard se fige et se réifie dans une perception dégradante de lui-même.

3- Pourquoi la vieillesse est-elle l'objet d'un processus de déshumanisation ?

a- Une déchéance économique et sociale : « Le vieillard est celui qui ne peut plus travailler et qui est devenu une bouche inutile » (p-59). Dans le cadre d'une société qui valorise l'homme actif et réduit l'humanité au travail productif fondé sur la force de travail (c'est celle que décrit S. de Beauvoir), la retraite est vécue par les travailleurs comme un exil brutal et une rupture d'identité qui précipitent leur vieillissement, et entraînent leur déchéance (chapitre 4, voir particulièrement les pages 371 à 377)

b- Les conséquences existentielles de ce processus de déshumanisation sur les vieillards : une altération de leur rapport au temps, à leur histoire, à l'existence (l'absence de tout projet, la perte des raisons d'agir, voir chapitre 6)

4- Comment résoudre le problème de la vieillesse ? Que faire pour que les hommes soient tous considérés jusqu'à la fin de leur vie comme des hommes ? (conclusion du livre)

Ce problème n'est pas seulement un problème individuel, il n'est pas non plus simplement un problème sociétal (que prendrait en charge une « politique de la vieillesse »), c'est un problème social et politique qui exige une transformation profonde de la société. Lecture de quelques extraits de la conclusion de Simone de Beauvoir.

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